Le marché de l’art
Le marché del’art CHAPITRE 3
Le marché de l’art
Le marché del’art CHAPITRE 3
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Impressionnisme et marché de l’art

En 2019, cette toile de Monet fait la une des journaux : elle a été vendue pour 110 millions de dollars. C’est un record pour une toile impressionniste ! Mais les relations entre impressionnisme et marché de l’art ne sont pas si récentes.

 

Pour comprendre, revenons un peu en arrière. Les œuvres peuvent être vendues par des marchands d’art et lors de ventes aux enchères. C’est ce qu’on appelle le marché de l’art. Il se développe au 16e siècle, en parallèle des commandes passées par des particuliers riches et puissants et les institutions religieuses.

 

Au 19e siècle, au moment où la peinture moderne émerge, le marché de l’art est à son apogée ! Et comme nous allons le voir, leurs évolutions sont très liées.

 

Alors, combien coûtait un tableau impressionniste à l’époque ? Quels ont été les soutiens et marchands d’art de ces artistes souvent en avance sur leur temps ? Comment Monet est-il devenu riche ? On décortique tout ça dans cet épisode !

Claude Monet, Grainstacks, œuvre issue de la série des Meules, 1890,
huile sur toile, 73 x 92,5 cm, Hasso Plattner Collection, musée Barberini, Potsdam, Allemagne
La plus grande exposition impressionniste organisée par Paul Durand-Ruel à Londres avec 315 toiles de maîtres, 1905,
Grafton Galleries, Londres. (C) Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
Pour résumer

Le marché de l’art s’est particulièrement développé à la fin du 19e siècle, alors que naissent les mouvements modernes comme l’impressionnisme.

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L’exposition « commerciale » de 1874

Pour commencer, retour en 1874 avec la première exposition impressionniste. On l’a dit, les artistes cherchent à s’émanciper du Salon officiel parisien, qui a parfois refusé, de manière arbitraire, de présenter leurs œuvres.

 

Mais cette année est aussi marquée par une crise économique : de nombreux collectionneurs freinent leurs achats. Voilà ce qui encourage les futurs impressionnistes à se lancer : ils espèrent vendre leurs œuvres sans l’intermédiaire d’un marchand ou du Salon.

 

Hélas, cette opération commerciale est un échec. Les clients ne se bousculent pas et le bilan financier est catastrophique. Cette œuvre de Berthe Morisot est l’une des rares vendues en 1874 !

 

L’année suivante, plusieurs artistes décident donc d’organiser une vente aux enchères, espérant dégager un peu d’argent. Mais leurs affaires ne s’arrangent pas : les toiles partent à petit prix…

Berthe Morisot, La Lecture ou L’ombrelle verte, 1873,
huile sur toile, 46 x 72 cm, Musée d’Art de Cleveland.
Pour résumer

L’exposition de 1874 comme la vente de 1875 sont des opérations commerciales ratées.

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Focus sur les œuvres vendues en 1874 et 1875

Si l’exposition et la vente aux enchères n’ont pas été rentables, plusieurs tableaux impressionnistes (essentiellement des paysages) trouvent preneurs en 1874 à des prix plutôt corrects.

 

Dans l’exposition, trois des quatre peintures de paysage ont été achetées pour 1 000 francs chacune. Quelques collectionneurs audacieux ont sorti le porte-monnaie, comme l’homme d’affaire Ernest Hoschedé qui acquiert le bientôt célèbre Impression, soleil levant de Monet.

Alfred Sisley, La Machine de Marly, 1873,
huile sur toile, 46 x 65 cm, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague
Claude Monet, Impression, soleil levant, 1873,
huile sur toile, 48 x 63 cm, Musée Marmottan Monet, Paris. (C) GrandPalaisRmn / image GrandPalaisRmn
« Cette peinture s’achète. Il est vrai qu’elle n’enrichit point ses auteurs suffisamment pour leur permettre de se construire des hôtels (particuliers), mais enfin elle s’achète. »
Théodore Duret
Berthe Morisot, Intérieur, 1872,
huile sur toile, 60 x 73 cm, collection particulière

À la vente aux enchères de 1875, les toiles partent pour une centaine de francs seulement. C’est Berthe Morisot qui tire son épingle du jeu avec son œuvre Intérieur, vendue 480 francs !

 

À titre de comparaison :
 

  • Un instituteur gagne 1 000 francs par an à l’époque.
  • Ingres, un artiste académique célèbre, vend des tableaux à 50 000 francs.
Pour résumer

Plusieurs tableaux impressionnistes, surtout de paysages, trouvent preneurs en 1874 pour des sommes plutôt correctes.

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La figure de Paul Durand-Ruel, le marchand « fou »
« Les critiques disaient : « Ces (peintres) sont fous, mais il n’y a plus fou qu’eux… c’est le marchand qui les achète ». »
Claude Monet

Eh oui, les impressionnistes ont une chance : ils peuvent compter sur le soutien inconditionnel d’un marchand d’art, Paul Durand-Ruel ! Celui-ci met au point une stratégie redoutable pour épauler et faire connaître ses artistes :
 

  • Exclusivité : Durand-Ruel achète des lots d’œuvres importants à ses artistes, parfois toute leur production. Ces achats qui offrent une sorte de « salaire » donnent une sécurité à des artistes encore confidentiels. Il va jusqu’à payer directement leurs loyers !
  • Promotion : il diffuse leurs créations via des gravures, des revues et des expositions variées et soignées.
  • Élargissement à l’international : il crée des galeries à Bruxelles, Londres, et New York et vend à une clientèle internationale.

 

Et ça marche ! Au début du 20e siècle, les œuvres impressionnistes partent pour des sommes folles ! Quant à Durand-Ruel, il est devenu le modèle du marchand d’art moderne.

Paul Durand-Ruel dans sa galerie en 1910,
Photo : Dornac, Durand-Ruel & Cie, Courtesy of Philadelphia Museum of Art
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Durand-Ruel transforme le marché de l’art en élaborant des stratégies nouvelles pour soutenir les artistes impressionnistes.

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Monet : des difficultés financières au succès

Celui qui profite beaucoup des efforts de Durand-Ruel, c’est Claude Monet. La preuve :
 

Dans les années 1870, Monet vend des toiles pour quelques centaines de francs. S’il a quitté la misère de ses débuts, sa situation reste précaire.
 

Sur l’année 1912, ses tableaux lui permettent de toucher 369 000 francs soit… 12 millions de dollars actuels!
 

Mais tous les impressionnistes n’ont pas le même destin. Si leur carrière met du temps à décoller, Renoir et Degas finissent par atteindre les mêmes sommes. En revanche, Cézanne vend très peu de tableaux. Quant à Sisley, il meurt en 1899 dans un dénuement total.

Claude Monet, Train dans la campagne, 1870-1871,
huile sur toile, 50 x 65 cm, Musée d’Orsay, Paris. (C) GrandPalaisRmn (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Claude Monet, La maison de l’artiste à Giverny, 1912-1913,
huile sur toile, collection privée
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Si Monet touche des sommes très importantes pour ses tableaux, d’autres peintres comme Cézanne et Sisley ont du mal à vivre de leur art.

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La stratégie de Monet pour garantir la montée des prix

Monet bénéficie de la stratégie de Durand-Ruel… mais il est aussi particulièrement malin !
 

À partir des années 1890, il s’enrichit notamment en :
 

  • En faisant jouer la concurrence entre les marchands. Ainsi, il rompt l’exclusivité avec Durand-Ruel pour travailler avec la galerie Georges Petit qui a une clientèle plus variée.
  • En fixant ses prix et en négociant des pourcentages élevés sur les ventes de ses œuvres.
  • En peignant des séries. Il réalise en effet des dizaines de tableaux sur un même motif pour étudier les variations de lumière. De quoi satisfaire la demande de tous les collectionneurs !
Claude Monet peignant les Nymphéas, vers 1922,
(C) Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
Claude Monet, Peuplier, effet de vent, 1891,
huile sur toile, 100 x 74 cm, Musée d’Orsay, Paris. (C) Musée d’Orsay, Dist. GrandPalaisRmn / Patrice Schmidt
Claude Monet, Peuplier sur l’Epte, 1891,
huile sur toile, 92 x 73 cm, Tate Museum, Londres. Photo : Tate, CC BY 4.0
Claude Monet, Peupliers, les quatre arbres, 1891,
huile sur toile, 82 x 81 cm, Metropolitan Museum of Art, Paris
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Monet profite du système du marché de l’art pour faire monter ses prix et vendre davantage.

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Un facteur important : l’élargissement de la clientèle
Mary Cassatt, Portrait de Louisine Havemeyer, 1896,
pastel, Shelburne museum​
Mary Fairchild Low, Portrait de Sarah Tyson Hallowell, 1886,
huile sur toile, 98 x 111, Robinson College, University of Cambridge
Mary Cassatt, Autoportrait, 1878,
huile sur toile, 60 x 41 cm, Metropolitan Museum of Art

Ce n’est pas tout : grâce à Durand-Ruel, Monet et ses collègues élargissent leur clientèle… en partant à la conquête de l’Amérique ! En effet, les nouvelles fortunes nées de l’industrie sont friandes d’art français, permettant de faire de bonnes affaires, à l’image de la collectionneuse Louisine Elder Havemeyer.
 

Deux femmes jouent aussi un rôle clé dans cette ouverture :
 

  • Sarah Tyson Hallowell, conservatrice et conseillère artistique de riches familles de Chicago.
  • Mary Cassatt, artiste impressionniste installée à Paris qui place les tableaux de ses confrères chez ses proches vivants à Philadelphie et à New York.

 

Mission réussie : en 1895, ce sont déjà 300 toiles de Monet qui ont traversé l’Atlantique !

Pour résumer

Les impressionnistes bénéficient de l’ouverture du marché américain grâce à Durand-Ruel et sont défendus auprès de collectionneurs par Sarah Tyson Hallowell et Mary Cassatt.

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Les artistes femmes et le marché : l’exemple de Berthe Morisot

Côté Berthe Morisot, ce n’est pas la même histoire ! En tant que femme issue de la bourgeoisie, elle n’est pas censée travailler. À l’époque, certains la considèrent parfois comme une peintre amateure.

 

Mais l’artiste ne se laisse pas abattre ! Au contraire, elle cherche à exposer et à vendre pour être prise au sérieux, comme ses collègues masculins. Dans les années 1870, ses œuvres sont achetées au même prix que les autres impressionnistes. C’est par la suite que sa cote décline…

 

Victime du sexisme de son temps, ayant peu vendu, Morisot tient aujourd’hui sa revanche. Sur le marché actuel, certaines de ses œuvres atteignent facilement plusieurs millions d’euros !

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Berthe Morisot, Jeune femme en toilette de bal, 1879, Musée d’Orsay, Paris

Il s’agit là de la meilleure vente de Berthe Morisot ! En 1894, ce tableau est vendu pour 4 500 francs.

Claude Monet, Cathédrale de Rouen, plein soleil, harmonie bleue et or, 1894, Musée d’Orsay, Paris

En moyenne, les tableaux de Claude Monet sont vendus aux alentours de 14 000 francs.

Pour résumer

Berthe Morisot, qui subit le sexisme de son temps, ne connaît pas la même carrière que ses collègues masculins.

Un épisode rédigé sous la direction scientifique de Sylvie Patry et adapté de sa conférence « L’aventure impressionniste · Le marché de l’art ».

Pour résumer, vous avez découvert :

  • Impressionnisme et marché de l’art
  • L’exposition « commerciale » de 1874
  • Focus sur les œuvres vendues en 1874 et 1875
  • La figure de Paul Durand-Ruel, le marchand « fou »
  • Monet : des difficultés financières au succès
  • La stratégie de Monet pour garantir la montée des prix
  • Un facteur important : l’élargissement de la clientèle
  • Les artistes femmes et le marché : l’exemple de Berthe Morisot
POUR S’ENTRAÎNER

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Quel membre de l’impressionnisme vend particulièrement bien aux États-Unis, avec 300 toiles vendues outre-Atlantique dès 1895 ?

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