En 2019, cette toile de Monet fait la une des journaux : elle a été vendue pour 110 millions de dollars. C’est un record pour une toile impressionniste ! Mais les relations entre impressionnisme et marché de l’art ne sont pas si récentes.
Pour comprendre, revenons un peu en arrière. Les œuvres peuvent être vendues par des marchands d’art et lors de ventes aux enchères. C’est ce qu’on appelle le marché de l’art. Il se développe au 16e siècle, en parallèle des commandes passées par des particuliers riches et puissants et les institutions religieuses.
Au 19e siècle, au moment où la peinture moderne émerge, le marché de l’art est à son apogée ! Et comme nous allons le voir, leurs évolutions sont très liées.
Alors, combien coûtait un tableau impressionniste à l’époque ? Quels ont été les soutiens et marchands d’art de ces artistes souvent en avance sur leur temps ? Comment Monet est-il devenu riche ? On décortique tout ça dans cet épisode !
Le marché de l’art s’est particulièrement développé à la fin du 19e siècle, alors que naissent les mouvements modernes comme l’impressionnisme.
Pour commencer, retour en 1874 avec la première exposition impressionniste. On l’a dit, les artistes cherchent à s’émanciper du Salon officiel parisien, qui a parfois refusé, de manière arbitraire, de présenter leurs œuvres.
Mais cette année est aussi marquée par une crise économique : de nombreux collectionneurs freinent leurs achats. Voilà ce qui encourage les futurs impressionnistes à se lancer : ils espèrent vendre leurs œuvres sans l’intermédiaire d’un marchand ou du Salon.
Hélas, cette opération commerciale est un échec. Les clients ne se bousculent pas et le bilan financier est catastrophique. Cette œuvre de Berthe Morisot est l’une des rares vendues en 1874 !
L’année suivante, plusieurs artistes décident donc d’organiser une vente aux enchères, espérant dégager un peu d’argent. Mais leurs affaires ne s’arrangent pas : les toiles partent à petit prix…
L’exposition de 1874 comme la vente de 1875 sont des opérations commerciales ratées.
Si l’exposition et la vente aux enchères n’ont pas été rentables, plusieurs tableaux impressionnistes (essentiellement des paysages) trouvent preneurs en 1874 à des prix plutôt corrects.
Dans l’exposition, trois des quatre peintures de paysage ont été achetées pour 1 000 francs chacune. Quelques collectionneurs audacieux ont sorti le porte-monnaie, comme l’homme d’affaire Ernest Hoschedé qui acquiert le bientôt célèbre Impression, soleil levant de Monet.
À la vente aux enchères de 1875, les toiles partent pour une centaine de francs seulement. C’est Berthe Morisot qui tire son épingle du jeu avec son œuvre Intérieur, vendue 480 francs !
À titre de comparaison :
Plusieurs tableaux impressionnistes, surtout de paysages, trouvent preneurs en 1874 pour des sommes plutôt correctes.
Eh oui, les impressionnistes ont une chance : ils peuvent compter sur le soutien inconditionnel d’un marchand d’art, Paul Durand-Ruel ! Celui-ci met au point une stratégie redoutable pour épauler et faire connaître ses artistes :
Et ça marche ! Au début du 20e siècle, les œuvres impressionnistes partent pour des sommes folles ! Quant à Durand-Ruel, il est devenu le modèle du marchand d’art moderne.
Durand-Ruel transforme le marché de l’art en élaborant des stratégies nouvelles pour soutenir les artistes impressionnistes.
Celui qui profite beaucoup des efforts de Durand-Ruel, c’est Claude Monet. La preuve :
Dans les années 1870, Monet vend des toiles pour quelques centaines de francs. S’il a quitté la misère de ses débuts, sa situation reste précaire.
Sur l’année 1912, ses tableaux lui permettent de toucher 369 000 francs soit… 12 millions de dollars actuels!
Mais tous les impressionnistes n’ont pas le même destin. Si leur carrière met du temps à décoller, Renoir et Degas finissent par atteindre les mêmes sommes. En revanche, Cézanne vend très peu de tableaux. Quant à Sisley, il meurt en 1899 dans un dénuement total.
Si Monet touche des sommes très importantes pour ses tableaux, d’autres peintres comme Cézanne et Sisley ont du mal à vivre de leur art.
Monet bénéficie de la stratégie de Durand-Ruel… mais il est aussi particulièrement malin !
À partir des années 1890, il s’enrichit notamment en :
Monet profite du système du marché de l’art pour faire monter ses prix et vendre davantage.
Ce n’est pas tout : grâce à Durand-Ruel, Monet et ses collègues élargissent leur clientèle… en partant à la conquête de l’Amérique ! En effet, les nouvelles fortunes nées de l’industrie sont friandes d’art français, permettant de faire de bonnes affaires, à l’image de la collectionneuse Louisine Elder Havemeyer.
Deux femmes jouent aussi un rôle clé dans cette ouverture :
Mission réussie : en 1895, ce sont déjà 300 toiles de Monet qui ont traversé l’Atlantique !
Les impressionnistes bénéficient de l’ouverture du marché américain grâce à Durand-Ruel et sont défendus auprès de collectionneurs par Sarah Tyson Hallowell et Mary Cassatt.
Côté Berthe Morisot, ce n’est pas la même histoire ! En tant que femme issue de la bourgeoisie, elle n’est pas censée travailler. À l’époque, certains la considèrent parfois comme une peintre amateure.
Mais l’artiste ne se laisse pas abattre ! Au contraire, elle cherche à exposer et à vendre pour être prise au sérieux, comme ses collègues masculins. Dans les années 1870, ses œuvres sont achetées au même prix que les autres impressionnistes. C’est par la suite que sa cote décline…
Victime du sexisme de son temps, ayant peu vendu, Morisot tient aujourd’hui sa revanche. Sur le marché actuel, certaines de ses œuvres atteignent facilement plusieurs millions d’euros !
Berthe Morisot, qui subit le sexisme de son temps, ne connaît pas la même carrière que ses collègues masculins.
Un épisode rédigé sous la direction scientifique de Sylvie Patry et adapté de sa conférence « L’aventure impressionniste · Le marché de l’art ».
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