D’ailleurs, qui sont les femmes représentées sur les œuvres, les “modèles” comme on les appelle ?
Tout d’abord, il peut s’agir des commanditaires des œuvres, qui sont donc issues des couches les plus fortunées de la société. C’est par exemple le cas de la célèbre Joconde.
L’identité du modèle a longuement été débattue, mais il s’agit très probablement de Lisa del Giocondo, l’épouse d’un riche marchand d’étoffes florentin.
Elle est d’ailleurs si populaire aujourd’hui qu’elle apparaît en guest star dans un clip de Jay-Z et Beyoncé.
Lorsqu’il ne s’agit pas d’une commande, les artistes se débrouillent souvent avec les modèles qu’ils ont sous la main… leurs proches donc !
Le recours à des modèles professionnelles se développe d’abord dans les ateliers privés, puis dans les académies de peinture, où ont lieu des séances de dessin d’après modèle vivant.
Pour peindre ce tableau, Corot a fait appel à Emma Dobigny, une célèbre modèle professionnelle qui a déjà pris la pose pour d’autres peintres comme Edgar Degas ou encore Édouard Manet !
En tout cas, qui dit “modèle” ne dit pas forcément “passif” : certaines deviennent de véritables conseillères, dans un moment où l’artiste est d’habitude seul face à sa toile. Un avis extérieur est alors parfois le bienvenu !
Les modèles qui posent pour les œuvres peuvent être les commanditaires eux-mêmes, des proches de l’artiste, ou des modèles professionnelles.
Un peu comme le musée des Beaux-Arts d’Alger qui manquait d’œuvres d’artistes algériens, la plupart des musées manquent d’œuvres d’artistes femmes… encore aujourd’hui !
En 2021, en France, les œuvres réalisées par des femmes représentent seulement 4 % du total des collections des musées.
Pourtant, en 2012, le groupe d’activistes “Guerilla Girls” soulignait déjà que moins de 4 % des artistes du département d’art moderne du Metropolitan Museum de New York sont des femmes… alors que les femmes représentent 76 % des nus qui sont exposés !
Pourquoi une telle proportion de nus féminins ? Eh bien pendant très longtemps les artistes hommes (qui ont plus facilement accès à une pratique artistique professionnelle que les femmes) ont réalisé des œuvres pour des commanditaires masculins. Et le goût de ces derniers penchait plutôt vers des sujets féminins, souvent avec une touche d’érotisme.
Dans les collections des musées, on retrouve peu d’œuvres d’artistes femmes mais beaucoup d’œuvres représentant des femmes.
Eh oui, pendant des décennies, elles ont peu été étudiées : toute l’attention se portait sur les “grands hommes” !
Aujourd’hui, on cherche au contraire à retrouver leurs traces. Elles sont parfois ténues mais elles révèlent :
Aujourd’hui, les historiens et historiennes travaillent à retrouver et à écrire l’histoire des femmes.
Même quand on sort de chez soi, il est toujours possible de se cacher… derrière ses vêtements !
Les attentes de la société induisent des normes vestimentaires. Et ces normes affectent particulièrement les femmes. Par exemple, de nombreuses cultures à travers l’histoire prônent de couvrir certaines parties du corps.
Il peut s’agir de se couvrir la tête. Il y a bien sûr des raisons et des significations nombreuses et variées derrière cette pratique. Mais généralement, ce voile est vu comme une marque de modestie, de réserve et de pudeur. Quelques illustrations :
Dans de nombreuses cultures, il est également recommandé de couvrir ses jambes. En France, au 18e siècle, par exemple, il était mal vu de montrer ses chevilles.
Ce genre de tableau, peint par Boucher, qui montre les chevilles d’une jeune femme est alors considéré comme… érotique !
Toutes ces normes sont le produit d’époques et de contextes spécifiques. Les normes vestimentaires évoluent et varient en fonction des cultures, des périodes historiques et diffèrent selon les individus.
Dans de nombreuses cultures, les vêtements portées par les femmes sont influencés par les attentes de la société.
Hélas, dans les œuvres occidentales, les femmes des harems ne sont jamais montrées en position de pouvoir. Les artistes préfèrent des mises en scène érotiques… qui ne sont que de purs produits de leur imagination.
Ces mises en scène s’inscrivent dans le courant orientaliste. L’orientalisme est un mouvement artistique marqué par un intérêt de l’Occident pour l’Orient. Les artistes représentent des scènes de vie « orientales », teintées d’exotisme et bien souvent fictives.
Dans ces mises en scène, les femmes sont représentées alanguies ou dénudées, dans des positions sensuelles, parées de bijoux en or, et rassemblées dans des pièces somptueusement décorées.
Ce style était particulièrement populaire au 19 siècle, suite à la conquête coloniale et durant l’apogée des grands empires européens. Il était très apprécié des commanditaires fascinés par l’exotisme et le lointain. Cependant, ces représentations ne rendaient pas compte de la réalité vécue par les femmes au sein des harems méditerranéens.
Les représentations des harems sont bien souvent des oeuvres orientalistes, qui exagèrent le caractère exotique et érotique des scènes.
Les « harems » ou « sérails » sont un autre exemple de la séparation des espaces en fonction du genre. Le harem, c’est d’abord un espace de vie en communauté réservé aux femmes : épouses, concubines ou esclaves.
La nature et le degré de restrictions au sein des harems varient considérablement en fonction de la culture concernée et du contexte historique. On les trouvait dans de nombreuses cultures aux croyances religieuses diverses à travers la région méditerranéenne.
Dans le harem le plus célèbre de tous, celui du Sultan de l’Empire ottoman, les femmes jouaient un rôle privilégié. Certaines ont même tenu les rênes du gouvernement !
La série Le Siècle Magnifique met en scène la sultane Kösem qui, arrivée comme esclave dans le harem, a gouverné l’empire ottoman au nom de ses fils au 17e siècle.
Les harems traditionnels ont progressivement disparu à partir du 19e siècle. Dans une grande majorité de pays, ils sont aujourd’hui interdits.
Les harems étaient parfois séparés des autres espaces par des moucharabiehs.
Ces grillages ouvragés avaient plusieurs fonctions : contrôler la lumière, réguler la circulation de l’air mais aussi permettre aux femmes de voir… sans être vues.
Dans plusieurs cultures, les femmes ont souvent été limitées à l’espace domestique, comme on peut le voir à travers l’exemple historique des harems.
Cette opposition revient souvent sous la plume d’auteurs grecs de l’Antiquité. Un certain Ménandre, auteur de comédies, écrit même « qu’une honnête femme doit rester chez elle ; la rue est pour les femmes de rien (les prostituées) ».
Heureusement, dans la Grèce antique les femmes ne vivaient pas recluses et circulaient librement, même si Ménandre aurait peut-être préféré le contraire. Elles avaient en revanche des droits limités par rapport aux hommes pour participer aux fêtes et rassemblements publics.
Et ce n’est pas un cas isolé ! Dans différentes cultures et époques, les femmes ont souvent dû faire face à des limitations pour accéder aux espaces publics.
Un autre exemple ? Dans la Rome antique, les femmes étaient autorisées à assister aux jeux organisés au Forum, mais malheureusement, elles étaient souvent reléguées à l’arrière de l’amphithéâtre, aux côtés des enfants ou des esclaves.
L’accès des femmes à l’espace public a souvent été restreint, dans différentes cultures et à différentes époques.
Et oui, car les œuvres d’art nous prouvent que nos sociétés changent…
Ainsi, il n’est pas rare de croiser sur les murs d’un musée un homme couvert de bijoux ou une femme vêtue d’un pantalon.
Nos clichés ont pourtant la vie dure… et ils peuvent conduire à de grosses erreurs.
Si un archéologue découvre des bijoux dans une tombe, par exemple, il a tendance à déduire que le défunt est une femme. Or, comme on vient de le voir, ce n’est pas si simple !
Pour écrire l’histoire, il faut prendre en compte l’évolution des normes autour de la féminité.
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